Changer : méthode est un livre passionnant qui semble clore la boucle initiée par en finir avec Eddy Bellegueule.
Changer : méthode en est la mise au carré, le dernier segment mettant en perspective ses trois précédents livres.
Si Eddy conte son enfance malheureuse, victime de sa pauvre famille de beaufs racistes et homophobes, Changer nous raconte dans le détail sa fuite, son ascension et son installation dans la bourgeoisie. Comment le vilain petit beauf du nord aux dents pourries est devenu ce jeune dandy cultivé à la diction empruntée.
Il y a quelque chose de fascinant dans sa description des heures et des mois passés à imposer à son corps ce douloureux changement de classe. Qu’il soit question de son rire, de sa manière de manger ou de se mouvoir, tout chez lui semble le résultat d’un travail acharné.
Cela nous renvoie au roman balzacien, à cette vieille conception de la bourgeoisie qui, vu de l’aristocratie, était une classe d’arrivistes et de parvenus d’engeance roturière.
En cela Edouard Louis est un bourgeois qui réalise malgré lui le miracle de la république bourgeoise. A force d’effort, on peut s’élever au niveau de la bourgeoisie et ce même si ses parents passent neuf heures par jour devant la télévision. A force d’effort, on peut, par sa seule volonté, devenir un écrivain. Il y a cependant une lourdeur dans la forme, un rythme qui trahit un labeur, c’est en cela peut être qu’il demeure prolétaire.
La question est de savoir, maintenant ce cycle achevé, s’il sera dans l’avenir capable de transcender son histoire personnelle pour accéder à cet espace que l’on nomme littérature.