Nos conseils de lecture

Un portrait sans concession d'un Maghreb hypocritement tu. Une plongée au cœur d'une génération pétrie de contradictions qui sont en fait paradoxes. On comprend là que le Djihad à moins à voir avec le fanatisme religieux que la quête d'aventure, le devenir TDS une quête d'autonomie plus qu'une mise en esclavage. Il y a quelque chose d'étonnamment salvateur dans cette description de destins, l'impression de lointain laisse place à une familiarité qui nous amène à cette question qui devrait présider tout jugements: aurais-je agi différemment? De tout cela émerge un sentiment de chaleur qui nous évoque l'amour dans ce qu'il a de plus réel, nous en reste un souvenir ému.

Roman de la pureté du sentiment amoureux qui nous conte l'Iran d'avant le Shah, merveille de délicatesse.

L'Espagne de l'entre-deux guerre, la génération 27, Lorca, Dali et bien d'autres. Roman du regret, de l'amour manqué, mélancolie de ce qui aurait pu.

D'abord livreur à vélo, le narrateur deviendra après un accident de la route un client mystère. Lui qui était jusqu'alors à la merci de la mauvaise note du client se retrouve désormais chargé de contrôler la bonne conformité des protocoles des services commerciaux. Ce jeune homme dans sa tentative d'évoluer professionnellement va lentement s'intoxiquer jusqu'à l’extrême limite psychique et géographique. Roman de l’aliénation psychédélique à l'œuvre dans notre occident capitaliste, Mathieu Lauverjat voit juste en dépeignant son narrateur à la manière d'un gamer devant son jeu vidéo. Mue par une sorte d'autisme actif, il évolue dans une réalité augmentée par l’algorithme, accumule les missions pour gagner de quoi continuer à jouer. Plus il monte en grade, plus la pression s’accumule et plus son psychisme s’émiette. Du lisse langage managérial du début succédera une violence cathartique jusqu’à cette fin hallucinatoire au cimetière de la marchandise.

"Murnau des Ténèbres" exhale la beauté vénéneuse d'un rêve tropical. On y suit un narrateur partit à Tahiti sur les traces du réalisateur allemand Friedrich Murnau qui au début des années 30 décide d'y tourner "Tabou". À peine arrivé, il y rencontre un vieillard, ami intime de Murnau qui lui raconte ce tournage maudit à la lisière du surnaturel. On pense au tournage d'"Apocalypse Now" mais aussi au film de Bertrand Mandico "les Garçons Sauvages" tant l'atmosphère décrite dégage un parfum d'érotisme élémentaire. Il nous rappelle cette époque où l'art européen à bout de souffle a cherché son salut dans l'exotisme de l'ailleurs.

Le destin tragique d'Abe Sada qui a nourri le film d'Ôshima, "L'empire des sens". A travers sa vie de Geisha devenue prostitué on découvre les profondes mutations qu'a subit le Japon des annnées 30, puis comment le crime surréaliste d'Abe a irrigué l'avant-garde japonaise. On y croise les mouvements étudiants de l'après guerre, la nouvelle vague japonaise. Mais aussi Mishima qui nous fait comprendre les liens troubles de l'archipel avec le fascisme. On comprend des lors les porosités entre le monde du levant et notre Europe occidentale.

"La Fille de Lake Placid" a cela de beau qu'il charrie un imaginaire, cette atmosphère américaine qui pour nous natif du siècle dernier fut notre bain amniotique. Il sera donc question de la fille célèbre qu'est Lana del Rey, du souvenir de la contre culture qu'est Joan Baez, d'addiction, de la petite fille qui savait chanter, de rêve de gloire, de New York, Los Angeles, de suburb, de dinners, et de nature apaisée. Avec toujours cette étrange normalité qui ne peut qu'évoquer Lynch et son regard, en contrepoint Baudrillard. Un roman hyperréel donc qui m'a rappelé par sa saveur le film "Under the Silver Lake" et puis il y a l'autrice qui s'applique à faire oublier que nous lisons des mots choisis par elle avec soin.

Un grand roman qui nous fait dire que de la même manière que le particulier ramène à l'universel, la fiction mène au réel. On pense à Artaud lorsqu'il nous rappelle que "l'Art n'est pas l'imitation de la vie , mais la vie est l'imitation d'un principe transcendant avec lequel l'art nous remet en communication." Distiller de la vie par des mots en prenant des objets aussi triviaux que le porno et la toxicomanie pour parler de notre époque et in fine d'Amour, c'est ce que Clément Camar-Mercier réussi admirablement et nous lui en sommes reconnaissant.